Le point commun entre des départements juridiques en Lituanie, en Suède, au Brésil, aux Etats-Unis ou à Hong-Kong ? Un passage au télétravail quasi généralisé, souvent précipité. Pour le meilleur et pour le pire : six juristes dans de grandes entreprises étrangères évoquent leurs constats, les journées qui n'en finissent pas de s'allonger, et les efforts déployés pour limiter l'impact du travail à distance sur leur activité.
2020, année erratique. En quelques mois, la Covid-19 a profondément bouleversé nos sociétés, nos modes de vie et nos habitudes de travail aussi. Peu de pays ont été épargnés et tous ont dû adopter des mesures - plus ou moins drastiques - pour tenter d’endiguer la pandémie. Certes, la Suède n’a pas choisi de gérer la crise de la même façon qu’ont pu le faire les Etats-Unis ou le Brésil. Et pourtant, tous semblent avoir un point commun : celui d’avoir vu leurs entreprises recourir massivement au télétravail. Et ce, qu’il ait été rendu obligatoire par les gouvernements, simplement recommandé ou imposé par les entreprises elles-mêmes.
Six directeurs juridiques, d'entreprises situées dans différents endroits du monde, ont accepté de nous offrir un voyage virtuel dans leurs pays. Avant la pandémie, quelques-uns étaient déjà habitués à travailler de chez eux. Ils ont dû s’adapter brutalement à basculer en télétravail à 100 % au début de la pandémie, bien entendu, mais ce n’était pas insurmontable « d’un point de vue technique », reconnaît Simona Grinevičienė, chief legal and procurement officer d’Ignitis Grupe, une grande entreprise lituanienne du secteur des énergies. Dans les bureaux New-Yorkais d’Arnaud Guachon – il est chief legal officer chez ContentSquare, une entreprise française de software -, il n’a fallu qu’une semaine pour que tout le monde soit rodé. Pour d’autres, comme Marcela Coelho, compliance officer chez EcoRodovias, une société brésilienne de concession d'autoroutes peu préparée pour le travail à distance, s’adapter au télétravail a été un véritable défi. Une chose est sûre néanmoins : après plusieurs mois de travail à distance, tous sont en mesure de mettre leur expérience en perspective et d’identifier les atouts ainis que les inconvénients du télétravail.
Le télétravail a de nombreux atouts, c'est incontestable. Arnaud Gouachon apprécie la flexibilité qu’il permet. Quand de son côté, Matt, senior associate dans un cabinet d'avocats japonais, actuellement détaché à Hong-Kong, a noté un sens accru de l’engagement de ses équipes. Il décrit ainsi des collaborateurs tous prêts à « mettre la main à la pâte », et qui n’ont pas compté leurs heures pour tenir la cadence. Mais s'il y a un avantage majeur qui met tous les juristes d'accord, c'est celui-ci : la possibilité de travailler au calme, sans source de distraction et de profiter d'une concentration favorisée.
C’est aussi toute la partie de rédaction et de travail administratif qui se trouve facilitée par le télétravail, indique Simona Grinevičienė. Marcela Coelho se sent effectivement plus productive. Bref, « certaines choses sont plus faciles », pour Caroline Falconer, legal counsel chez Vattenfall, une grande entreprise suédoise spécialisée dans l'énergie. Elle apprécie son environnement propice à la concentration. C’est plutôt logique, finalement : au bureau, les collaborateurs peuvent venir interrompre le travail très souvent, relève Matt.
Il y a la façon dont les juristes perçoivent le télétravail, à l’échelle individuelle. Le télétravail rend-il le job du juriste plus difficile ? Il semblerait que non. Alya Bloum, legal counsel chez Vinted, affirme ainsi que son équipe a « prouvé, au cours des 8 derniers mois, [qu'elle a été] capable de mener à bien les activités juridiques de la société ».
Caroline Falconer concède que le télétravail peut être une difficulté supplémentaire pour les nouveaux projets, qui sont souvent plus faciles à concrétiser lorsque toutes les parties prenantes peuvent se rencontrer. Par contre, c’est pour elle une véritable souplesse pour les projets en cours, puisque tout le monde se connaît et sait ce qui doit être fait.
De son côté, Arnaud Gouachon fait remarquer que le télétravail a sans doute affecté son travail de support aux commerciaux : pour le directeur juridique, il est plus simple de pouvoir échanger avec eux dans les bureaux plutôt que d’organiser des meetings sur Zoom à chaque fois qu’il faut discuter de quelque chose. C’est d’autant plus vrai que, comme le souligne Arnaud Gouachon, « les juristes doivent faire partie intégrante de la vie de l’entreprise ». Le télétravail pénalise la communication avec les autres départements et le risque est évident : que les autres fonctions ne pensent à solliciter leurs équipes juridiques que lorsqu’il est déjà trop tard.
Néanmoins, si la communication interne a été ralentie, ce n’est pas le cas des échanges externes. C’est compréhensible : la plupart de ces juristes, parce qu’ils font partie de grandes entreprises, étaient déjà habitués à travailler à distance, avec des interlocuteurs situés dans différents pays. Rien de surprenant, donc, à ce que les départements juridiques n’aient pas été véritablement affectés par la crise. Ils avaient déjà les outils nécessaires pour réussir leurs missions. Bien que, pondère Caroline Falconer, « rien ne remplace la rencontre "en personne" ».
Difficile de le nier : le télétravail a ses avantages. Mais il a aussi son lot d’inconvénients, et ils sont non négligeables. Certes, c’est du temps gagné et une concentration améliorée. Mais le revers est redoutable : laisser entrer le travail chez soi, c’est fragiliser la frontière entre les heures de travail et les heures appartenant à la vie privée. Matt regrette ainsi de « n’avoir jamais la satisfaction de déconnecter ». Même constat pour Simona Grinevičienė, qui évoque des journées de travail rallongées et reconnaît avoir des difficultés à s’arrêter.
Plus généralement, tous s’accordent à dire qu’il n’est pas aisé de trouver un rythme équilibré lorsque le travail envahit l’espace privé. Conséquence directe, « quand on est chez soi, on ne voit pas le temps passer… et tout à coup, il est 23 heures et on travaille encore », confie Marcela Coelho. Simona Grinevičienė a bien quelques astuces à partager, pour mieux séparer le temps de travail du temps personnel : l'une de ses collègues enfile, chez elle, la paire de chaussures qu'elle porte lorsqu'elle se rend au bureau. Une fois qu'elle enlève ses chaussures, sa journée de travail est terminée. Et pour celles qui doivent partager le domicile avec leurs enfants ? Le maquillage peut aider. L'une des juristes de son équipe a ainsi eu l'idée de porter du rouge à lèvres quand elle travaille, pour que ses enfants comprennent qu'elle est occupée : lorsqu'elle est maquillée, ils savent qu'ils doivent éviter de venir la déranger.
En fin de compte, le paradoxe est indéniable : alors qu’ils travaillent pourtant depuis le confort de leurs domiciles et évitent les temps de trajet, les juristes se sentent de plus en plus fatigués. Mais comme l’admet Matt, les entreprises « n’ont pas vraiment la possibilité de prendre le temps de réfléchir aux meilleures façons de rendre les choses plus efficaces : on essaie simplement de faire notre job du mieux que nous le pouvons ».
Chez eux, c'est comment ?
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